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Les paradis fiscaux et judiciaires

 

Le monde discrêt de la délinquance en cols blancs

 

 

 

Depuis plusieurs années, des événements judiciaires ont mis sur le devant de la scène l'existence des méthodes vraiment nauséabondes de la finance internationale.

 

L'affaire "Clearstream" feuilleton rocambolesque de l'affrontement politico-judiciaire de deux ambitieux de l'UMP (Dominique de Villepin et Nicolas Sarkosy) a surtout eu pour effet d'attirer l'attention des citoyens sur l'existance de ces lieux "exotiques" où tout est permis.

 

Les deux G20 (ou G-vain) de Londres et Pittsburg ont également contribué à mettre en lumière le rôle néfaste de ces zones de non-droit, mais aussi à bien souligner les différences et les spécialités de tous ces "paradis fiscaux et judiciaires"; c'est un monde extrêmement complexe, puissant et secret, aussi, les mesures homéopathiques prises par les responsables du G-vain, tout en constituant un petit pas en avant, sont totalement dérisoires et ressemblent plus à une opération de communication pour enterrer le problème et "enfumer" l'opinion publique qu'à une volonté réelle de lutter contre ces zones de non-droit.

 

Mais tout d’abord qu’est-ce qu’un paradis fiscal et judiciaire ?

 

Un paradis fiscal et judiciaire est une zone, un territoire ou un Etat présentant les caractéristiques suivantes :

Système fiscal réduit. Les impôts sur les revenus, sur les bénéfices ou la fortune sont inexistants ou faibles, les droits de succession sont avantageux, notamment pour les personnes et sociétés non résidants.

 

Grandes facilités d’installation et de fonctionnement de sociétés sur des bases incompatibles avec les règles des Etats développés dont elles sont issues.

 

Secret bancaire quasi absolu. Il est extrêmement difficile de connaître l’identité des personnes y déposant des fonds. La législation des paradis fiscaux prévoit généralement des sanctions très lourdes si les employés de banque transgressent cette règle.

 

Immunité judiciaire. Alors qu’en France le blanchiment est considéré comme un crime, la plupart des paradis fiscaux ont en matière de criminalité économique une législation très laxiste ou non appliquée.

 

Absence de coopération judiciaire internationale. Les paradis fiscaux ralentissent ou refusent toute coopération avec les services judiciaires des autres Etats.

 

Toutes ces dispositions visent à attirer les détenteurs de capitaux, quelle que soit l’origine des fonds.

Créer une société off shore ou une société écran (utilisation de prêtes-noms), est une opération très simple et peu onéreuse (en regard des économies espérées) et tout peut même se régler par internet !

 

De nombreuses sociétés ont été ainsi créées dans un "paradis fiscal" bien que n'effectuant des opérations commerciales, financières ou autres qu’à l’extérieur de ce pays.

 

Formalités réduites et rapides (presque aucun contrôle), coût d'enregistrement très faible, imposition quasi nulle, opacité totale et possibilité d'utiliser un prête-nom... que rêver de mieux pour frauder le fisc et se livrer à des montages financiers pour assurer la plus grande discrétion à des fonds pas très propres !

 

Vous pouvez tout de suite déduire de cette définition succincte que le terme paradis fiscal et judiciaire ne se limite pas à la possibilité de détenir un compte bancaire discret; les services offerts sont beaucoup plus étendus et intéressants pour la finance internationale en lutte perpétuelle contre ces "maudits impôts confiscatoires" prélevés par les Etats où ils résident.

 

Autre déduction logique, se retrouve mélangé dans ces "paradis", l’argent de toutes les opérations douteuses, voire criminelles : fraudes fiscales, commissions et rétro-commissions sur les ventes d’armes, mafias en tous genres (drogue, prostitution...), ainsi que les opérations "tordues" des services secrets !

 

 

 

Une petite expérience instructive

Si voulez être édifiés sur la facilité d'accès au monde des "paradis fiscaux", tapez : 'paradis fiscaux' dans votre moteur de recherche favori... regardez les nombreuses offres de service financiers et observez le langage très "politiquement correct" pour éviter que les futurs fraudeurs du fisc (que vous êtes censé être !) ne se "culpabilisent" pas trop, et c'est si facile par internet !

 

Un exemple parmi beaucoup d’autres :

 

Rupert Murdoch, champion de l’évasion fiscale

 

 

 

En 1999, le journal The Economist publia une étude de l’empire médiatique de Rupert Murdoch, News Corporation, éditeur notamment des journaux The Times, Sunday Times et The Sun en Grande Bretagne. Cette étude montrait que sur les 800 entreprises du groupe, 60 parmi les plus rentables étaient domiciliées dans des paradis fiscaux : îles Caïman, Antilles néerlandaises, îles Vierges, etc. Celle qui dégageait le plus de profits dans les années 1990, News Publisher, était une société écran domiciliée dans les Bermudes. Comme le fait remarquer l’article, " c’est là une jolie performance pour une société qui apparemment n’a ni employés, ni d’autres sources de revenus que celles provenant des autres sociétés de M. Murdoch."

 

Tous ces montages financiers, absolument légaux, ont permis à News Corporation et ses filiales de réduire drastiquement leurs impôts. Ainsi, de 1995 à 1999, elles n’avaient payé que environ 6 % d’impôts alors qu’en Australie, aux Etats-Unis et en Angleterre, les principaux pays où News Corporation travaille, les taux de base de l’impôt sur les sociétés étaient respectivement de 36, 35 et 30 %.

Ceci est une illustration parmi d’autres des pratiques des sociétés multinationales. Elles procèdent à la délocalisation des bénéfices par la création de filiales dans les places off shore, concentrant leurs principaux bénéfices sur leurs filiales situées dans les territoires à faible imposition. Ceci s’opère par la facturation aux filiales génératrices de bénéfices de dépenses diverses sans proportion avec les prestations fournies (frais financiers, exploitation de brevets, études, promotion, etc.). Ces prestations sont d’ailleurs parfois inexistantes et ne donnent lieu qu’à des écritures comptables.

 

Texte extrait de la brochure ; "Pour en finir avec les paradis fiscaux" réalisée par l’Association Survie.

 

Des anomalies ?

 

Alors qu'il y vit un terrien sur cent, les pays considérés comme des paradis fiscaux et judiciaires abritent, officiellement, un quart de la richesse mondiale.

Les îles Caïman, petit territoire de 262 km² et 45 000 habitants, est devenue la 5 ème place financière mondiale avec 575 banques (dont seulement 106 sont physiquement présentes !) , 20 000 sociétés y sont immatriculées et ce minuscule pays gère 850 milliard de dollars : la moitié du PIB de la France.

 

 

Et le rôle de Clearstream dans tout ceci ?

 

Rappel historique :

 

Avant l'ère des transmissions électroniques, les comptes ouverts dans les paradis fiscaux fonctionnaient presque exclusivement grâce à ce que l’on a appelé "les valises de billets", autrement-dit, ils fonctionnaient presque exclusivement en argent liquide et d’une façon artisanale et risquée !

 

Or, avec l’augmentation énorme des échanges internationaux légaux, il était devenu nécessaire de mettre en place, au niveau mondial, un système de "chambre de compensation" (société de clearing pour nos amis Anglo-saxons) pour faciliter les transactions financières (monnaies et valeurs mobilières), c’est ainsi qu'ont été créées Clearstream (au Luxembourg en 1971, d'abord appelée CEDEL), Euroclear (en Belgique) et Swift (en Belgique également, cette dernière étant le gestionnaire des "autoroutes de l'information").

 

 

Définition d’une chambre de compensation :

 

Un organisme, dit chambre de compensation ( clearing house en anglais ) sert de méta-banque afin de garantir les transactions. Le but du mécanisme est de rassembler tous les acteurs financiers au sein d’un système unifié. Au lieu d’avoir une multitude d’interlocuteurs, la chambre de compensation est le seul et unique point de contact qui sert de contrepartie dans les transactions.

 

Théoriquement donc, si l'on s'en tient au fonctionnement normal d'une chambre de compensation, toutes les transactions devraient être traitées avec des organismes financiers dûment identifiés et toutes les opérations rester éventuellement accessibles au pouvoir judiciaire du pays où est située la chambre de compensation, donc théoriquement, les paradis fiscaux ne devraient pas pouvoir fonctionner avec Clearstream.

 

 

Y aurait-il donc une faille dans le système ?

 

 

 

Des faits têtus et bien gênants :

- Rien que pour les USA, la fraude fiscale annuelle est estimée à 225 milliards de dollars, est-il vraisemblable que ces sommes fabuleuses circulent encore par "valises de billets" ?

- Des entreprises affichent une santé florissante et paient des impôts dérisoires... optimisation fiscale particulièrement réussie ?

- Les paradis fiscaux fonctionnent et se développent rapidement sans rencontrer de vrais problèmes.

- Des dossiers de juges restent bloqués alors qu'ils semblent avoir démontré que les fonds suspects ont transité par le système des chambres de compensation.

 

La réponse à la question semble donc évidente : il y aurait bien une faille dans le système des chambres de compensation !

 

 

 

 

 

De nombreuses questions qui appellent des réponses claires et urgentes :

 

- Par où passent les transactions illégales à destination des paradis fiscaux si elles ne passent pas par Clearstream ?

- S'il est plus qu'évident que les chambres de compensation acceptent des transferts douteux, sont-elles complices ou victimes ?

- A quoi correspond la pratique des comptes non publiés, est-ce une pratique nécessaire au fonctionnement d'une chambre de compensation ?

- Pourquoi les Etats et leur justice n'arrivent-ils pas à savoir la vérité au sujet d'un certain nombre de transferts qui font l'objet de procédures judiciaires ?

- Une enquête journalistique affirme qu'il y aurait périodiquement, à Clearstream, des effacements d'écritures liées aux paradis fiscaux, où en est la justice Luxembourgeoise sur ce dossier ?

- Quel crédit accorder à ceux qui prétendent que la surveillance des transactions vers les paradis fiscaux est techniquement impossible depuis qu'en juin 2006, un journal américain a publié une enquête expliquant comment la CIA espionnait les mouvements de fonds de certains responsables présumés d'Al-Qaïda grâce à des informations ciblées fournies par la Swift ? Cette affaire fit grand bruit aux USA, car, sous couvert de lutte contre le terrorisme, l'administration de Monsieur Bush était prise en flagrant délit d'espionnage des communications privées sans autorisation du Congrès !

 

 

 

Liste non exhaustive des paradis fiscaux dans le monde

 

Il existe plusieurs listes (ONU, OCDE, FMI), chacune dépend des critères utilisés pour donner le qualificatif peu envié de paradis fiscal et judiciaire, certains sont plus axés sur le secret bancaire, d'autres sur le montage de sociétés export.... Cette liste a été copiée sur le site d'Attac Vaucluse :

 

 

AFRIQUE ET OCEAN INDIEN :

Cap Vert, Gambie, Libéria, Maldives, Maurice, Saint-Hélène, Seychelles

 

ASIE, PACIFIQUE :

Afghanistan, Haïnan, Hong-Kong (région administrative spéciale), Iles Cook, Iles Fidji, Iles Marshall, Iles Pitcairn, Labuan, Macao,Mariannes, Nauru, Nioué(ou Niue), Philippines, Polynésie Française, Samoa, Singapour, Tonga (archipel), Vanuatu

 

MOYEN-ORIENT :

Bahreïn, Doubaï, Emirats Arabes Unis, Liban, Oman

 

CARAÏBES :

Anguilla, Antigua, Antilles néerlandaises, Aruba, Bahamas, Barbade, Bermudes, Grenade, Iles Caïmans, Iles Turques et Caïques, Iles Vierges américaines, Iles Vierges britanniques, Jamaïque, Montserrat, République Dominicaine, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines

 

AMERIQUE CENTRALE :

Belize, El Salvador, Costa-Rica, Panama

 

AMERIQUE DU SUD :

Paraguay, Uruguay

 

EUROPE :

Alderney, Andorre, Campione, Ceuta, Chypre, Gibraltar, Guernesey, Ile de Man, Irlande (Dublin), Jersey, Liban, Lichtenstein, Luxembourg, Madère, Malte, Monaco, Sercq, Suisse, Vatican

 

Autres paradis

Des Etats autorisent l'offre de services off shore à partir de certains points de leur territoire : Les Etats-Unis (Etats du Delaware, et New Jersey), l'Irlande (Dublin), les Pays-Bas, le Maroc, le Royaume-Uni (la City de Londres), l'île de Taïwan, la Thaïlande.

 

 

Comme vous pouvez le constater, la France n'est pas en reste puisqu'elle ferme les yeux sur la situation de Monaco et de l'Andorre, territoires pourtant sous tutelle et à souveraineté très partielle. Pire, elle étend ses paradis fiscaux, ainsi, depuis décembre 2003, en totale contradiction avec ses engagements européens et internationaux, le gouvernement français a accordé aux îles de Saint Martin et de Saint Barthélémy, qui dépendaient jusqu'alors de la Guadeloupe, le statut de collectivités locales autonomes à indépendance fiscale. ces îles sont pourtant réputées être des hauts lieux du blanchiment et carrefours de trafics en tout genre.

 

 

 

Conclusion

Il devient de plus en plus évident que la sphère économique et financière a échappé au pouvoir politique, donc au contrôle démocratique des citoyens; le monde politique en est réduit à gérer des budgets et des prestations sociales amputés de la fraude fiscale et des délocalisations de la production, au grand drame des populations modestes alors que quelques privilégiés n'ont jamais étés aussi opulents.

 

 

 

Pour les libéraux la mondialisation est formidable, c'est le droit d'investir où ils veulent, le temps qu'ils veulent, pour produire ce qu'ils veulent, en s'approvisionnant et en vendant partout où ils veulent et surtout à supporter le moins possible de contraintes en matière de droit du travail, de fiscalité, de conventions sociales et de respect de l'environnement !

Conséquence : est-ce un hasard si cette mondialisation à la "sauce libérale" est une catastrophe pour ceux qui vivent de leur travail et pour l'environnement ?

 

L'écologie n'est rien sans volonté de changement du système de production et d'échange !